Approches épistémologiques des savoirs sur le corps malade

Travaillant en lien étroit avec les acteurs des sciences médicales (immunologistes, cancérologues, etc.), les chercheurs en philosophie et SHS trouveront naturellement leur place dans ce nouveau projet relevant de l’épistémologie et visant à contribuer au débat international sur les modèles de compréhension de certains phénomènes biologiques qui restent relativement méconnus tels que la réaction immunitaire. Ce nouvel axe vise à faire émerger une philosophie de la médecine et du vivant pour créer un lien avec d’autres unités de recherche qui souhaitent collaborer avec ADES sur les questions du normal et du pathologique.

Au regard des compétences en philosophie qui ont renforcé son effectif lors de l’exercice écoulé, un nouvel axe orienté sur l’abord épistémologique du corps et des normes en santé est envisagé pour le prochain quinquennal. Ce projet émergent permettra d’enrichir la notion de norme en l’appréhendant sous un angle différent de celui de « norme sociale » qui prévaut dans les autres axes de l’équipe. La spécificité de ce nouvel axe, par rapport aux autres axes, sera de s’intéresser aux normes vitales que le corps met en œuvre pour se défendre contre l’« agression » d’agents infectieux issus du milieu externe. Le but de cet axe sera, dans un premier temps, de réaliser un état des lieux sur les connaissances disponibles concernant l’usage du concept de « norme » dans les sciences médicales, en prenant l’immunologie pour fil conducteur et porte d’entrée de notre équipe dans le domaine de l’épistémologie.
Ce choix concerté en faveur de l’immunologie comme objet d’étude privilégié tient à trois raisons principales :

  • La présence dans cet axe de chercheurs en philosophie (1 PU, 1 ATER, 1 Doctorante) est un gage de pertinence de travaux épistémologiques sur une branche de la médecine qui a la particularité de faire appel à des ressources conceptuelles issues du domaine de la philosophie et des sciences humaines. Au XXème siècle, en effet, le concept de « soi », dans son opposition au « non-soi », a contribué à la compréhension du phénomène immunitaire au moyen d’outils théoriques « falsifiables », éligibles à des épreuves de réfutabilité empirique.
  • L’implication aux côtés des chercheurs en philosophie de médecins-chercheurs dont le Dr Romain Lutaud, qui soutiendra en mars 2023 une thèse en anthropologie de la santé sur « Les controverses scientifiques : les cas de la maladie de Lyme et de la Covid-19 », la participation du Pr. Jean-Louis Mège, professeur en immunologie et prochainement celle du Pr. Florence Duffaud, professeur de cancérologie ayant choisi de rejoindre de notre équipe.
  • La pertinence de la notion d’immunité au regard des attendus des tutelles et du HCERES concernant « l’ouverture de la science à la société ». En effet, la portée supra-académique de la notion d’immunité est forte lors des épisodes de crise sanitaire et source de nombreuses controverses non seulement au sein de la communauté scientifique mais aussi de l’espace public. Aujourd’hui, la question de l’immunité se trouve déclinée diversement au sein de débats de société autour de l’efficacité des vaccins, des maladies auto-immunes, de l’immunothérapie en cancérologie, de la question de la résistance à l’antibiothérapie, de l’« immunologie naturelle », etc. De ce fait, des lieux d’articulation se dessinent d’emblée entre normes vitales et normes sociales offrant des pistes de collaboration avec d’autres axes de l’équipe mais aussi de l’équipe
    « Biologie des cellules sanguines et anthropologie » dans la mesure où l’immunologie est également un thème de recherche pertinent au regard de l’équipe qui travaille sur la problématique de rejet de greffe en hématologie.
     

Un axe passerelle pour créer des liens avec d’autres unités d’AMU

Pour mettre en œuvre ces 2 projets, les chercheurs de cet axe interagiront avec des laboratoires de recherche d’AMU intéressés, afin de faire émerger de nouveaux partenariats institutionnels et d’enrichir l’écosystème académique de l’équipe. En termes de stratégie scientifique, la création d’un axe centré sur l’épistémologie sera un vecteur de rapprochements avec l’UMR « Centre Gilles Gaston Granger » (CGGG) d’Aix-en-Provence. L’UMR CGGG d’Aix est en effet une unité d’envergure nationale en philosophie des sciences et dont le directeur le Pr. Pascal Taranto souhaite collaborer avec la nôtre autour d’une approche réflexive des sciences médicales. Des relations ont déjà été nouées lors du contrat écoulé puisque des PU de l’équipe de philosophie du site d’Aix-en-Provence ont dispensé des cours dans le cadre du parcours « éthique » du Master Humanités médicales à l’espace éthique méditerranéen de Marseille. Réciproquement, des membres philosophes de l’équipe « Corps, normes, santé » ont dispensé des cours à la Faculté de philosophie d’Aix-en-Provence.
 

Projets

Le modèle « soi/non-soi » repose sur le raisonnement par analogie décrié de longue date par les épistémologues, au même titre que le recours à des métaphores empruntées à la vie sociale qui conduisent à penser l’auto-normativité du corps sur le modèle d’une communauté de pathogènes en compétition (pathogènes tolérés par le « soi » en tant qu’entités endogènes) mais suffisamment unifiés pour lutter contre des agents extérieurs potentiellement agresseurs.